« Fatinah, une femme nommée Rachid » : Un conte marocain qui secoue le Festival du film de Marrakech

La 22ème édition du Festival International du Film de Marrakech (28 novembre – 6 décembre 2025) verra la première mondiale du documentaire « Fatna, une femme nommée Rachid » de Helen Harder dans le cadre de la section Horizons. Le film est un portrait intime d’une militante marocaine exceptionnelle, Fatna El Bouieh, survivante des années de plomb et toujours engagée dans la lutte pour la justice et l’égalité aujourd’hui.
Le titre du film est inspiré du livre du même nom, Une femme nommée Rachid, publié par Lauvenik, en référence à l’identité complexe et à la symbolique puissante de cette femme qui a fait de la douleur un tremplin pour l’action collective.
Marrakech célèbre la mémoire de la lutte des femmes
La sélection du film dans la programmation du festival, ainsi que les hommages rendus à Jodie Foster, Rawia, Guillermo del Toro et Hossein Fahmy, confirment la direction artistique du festival qui met en avant un cinéma qui ouvre un dialogue entre les cultures et se réapproprie les histoires personnelles pour les inscrire dans la mémoire collective.
Dans ce contexte, Fatinah, une femme nommée Rachid met en avant la biographie d’une femme marocaine qui a fait face à la répression et qui est sortie de ses blessures plus déterminée à défendre les autres, transformant sa vie elle-même en un riche matériel cinématographique.
De la prison et de la torture à l’action sur le terrain
À travers des images de Casablanca aujourd’hui, mélangées à des images d’archives rares des années 1970, le film revient sur un moment crucial de la vie de Fatana, lorsqu’elle avait 21 ans, qu’elle a été arrêtée et torturée pendant les années de plomb.
Aujourd’hui, à 67 ans, les années n’ont pas éteint son engagement. Fatna continue de transformer sa propre expérience en une énergie d’action tangible :
– défendre les droits des femmes,
– soutenir les prisonnières syriennes qui ont survécu à la prison de Saydnaya,
– et organiser un festival du film pour les mineurs détenus.
En ce sens, le film n’est pas seulement une rétrospective, mais aussi le présent vivant d’un activiste qui croit que la justice n’est pas un slogan mais une pratique quotidienne.
Helen Harder : Accompagner la lutte à travers la caméra
La directrice Helen Harder explique son approche :
« Tout au long du film, nous suivons Fatina dans ses nombreuses activités militantes à Casablanca, notamment dans l’organisation d’un festival de cinéma à la prison d’Okasha. Ses déplacements dans la ville se transforment en voyages dans le temps : Son passé et son présent s’entremêlent grâce à sa voix off et à un montage d’images d’archives restaurées datant des années 1970. Le film cherche à transmettre le rêve de changement que Fatna a porté depuis son enfance, malgré la répression qu’elle a subie, et à révéler les avancées individuelles et collectives de la société marocaine ».
Le parcours de Fatna dans la ville devient une sorte de « carte de la mémoire », où les lieux du quotidien deviennent des portails qui évoquent de vieilles images et des souvenirs douloureux, tout en mettant en évidence les transformations que la société marocaine a subies au fil des décennies.
Un langage visuel qui mêle archives et présent
Le film s’appuie sur de riches archives du cinéma marocain, en particulier des années 1960 et 1970, récemment restaurées par des institutions telles que la Cinémathèque marocaine. Ces documents d’archives sont combinés à des séquences contemporaines intimes pour former une tapisserie visuelle sensible et nuancée.
La voix de Fatin, sa présence physique, ses dialogues avec sa famille et ses proches, ses déambulations dans les quartiers de Casablanca… tout cela donne au spectateur la possibilité d’entrer dans son monde intérieur, de saisir les détails de sa vie et de ses petits combats quotidiens qui ne sont pas moins importants que ses grandes batailles.
Un cinéma qui préserve la mémoire des femmes et inspire les générations
La projection du film à Marrakech n’est pas seulement un événement artistique, mais une reconnaissance symbolique de la valeur de l’histoire de Fatina et de l’importance de la partager avec le public. « Fatina, une femme nommée Rachid » rappelle l’importance de transmettre les expériences des femmes, en particulier celles qui ont vécu l’oppression et la lutte, et de ne pas laisser ce type de mémoire s’estomper dans le silence.
La préservation des récits de ces femmes est essentielle pour :
– construire une identité individuelle et collective consciente,
– mieux comprendre ce que la société a vécu,
– et reconnaître la contribution des femmes à l’élaboration de son histoire.
De Marrakech à Bruxelles… le voyage d’un film qui traverse les frontières
« Fatinah, une femme nommée Rachid » sera projeté en première mondiale le 3 décembre, à partir de 18h30, au Palais des Congrès de Marrakech, dans le cadre de la section AFAC. Le film se rendra ensuite à Bruxelles, où il sera projeté le 5 décembre en clôture du Cinemamed Forum, en première européenne.
De cette manière, l’histoire de Fatna Bouyeh passe de l’espace marocain à de nouveaux espaces internationaux, continuant à inspirer un public plus large et ouvrant le débat sur la mémoire, la justice et la dignité à un moment où les histoires des survivants de la violence politique ont encore besoin d’être racontées et entendues.

